où l’on donne à lire un extrait de « La légende de l’Ignoble », de Luc Cornet

En octobre 1972, Luc Cornet fait paraître La légende de l’Ignoble à Verviers, dans le n° 115 de la revue Temps Mêlés. Revue d’André Blavier. Le bibliothécaire ami de Raymond Queneau. Grand amateur de « fous littéraires ». En 1968, Luc Cornet avait déjà publié Gesta Laiora Golardi, toujours dans Temps Mêlés. Il écrira aussi un roman largement autobiographique demeuré inédit. Puis Luc Cornet arrêtera d’écrire, menant une vie de dandy flamboyant. Luc Cornet décédera en 2012.

En 2010, Les Éditions Qui Changent de Nom À Chaque Parution ont ressorti l’Ignoble avec des illustrations de Pascal Dubar.

Je ne sais pas si Luc Cornet peut être considéré comme un « fou littéraire ». Je sais que, personnellement, je classerais La légende de l’Ignoble du côté des « vieilleries joyeuses » que sont La légende de Thyl Ulenspiegel et ces textes étranges sur Charles-Quint, Keiser Karel, de Michel de Ghelderode. Je sais aussi qu’à la lecture de cet ignoble Ignoble, il m’a été impossible de ne pas penser à Blavier, bien sûr, et Jean-Pierre Verheggen.

Ci-dessous, un extrait de La légende de l’Ignoble, donc. Merci à Sybille Cornet, la fille de Luc Cornet, pour la découverte de ce texte.

LA LÉGENDE DE L’IGNOBLE

Application à l’hagiographie

de quelques procédés littéraires

VIE ET MORT DE L’IGNOBLE.

I.

La Vieille, è dort ès panier, mwèrtè-soule. L’Ignoble, noir comme, y a pa, i bute inl panier. Acht beau dieu, chante litanie ! Al en entend nie un mau. Al pionce, è belle quand al pionce, al bave de z’blair, è ronfe ès bave. Gnourl et gnourl, al fait. Stun crapaud ste gonzouze ; i gueule mélasse, crabouille, fourmi ! I frappe la Vieille. Sorcière, i brûme, empourpriné sombre. Sa veine, al craque. I s’essuye son nez avesse un tas de chfeux dla Vieille. I la frappe et une et une et une et une et des tas. Al bronche pas. E tanée ste Vieille, è barzanée. Al bouge pas. Fromage, i dit. I méprise à ste Vieille ; i est floupe. I crache dessus.

L’Ignoble est sus chaise, i saisit l’boutouche, i s’verse un verre à bière de d’gnole, i inonde la table. D’un coup, i vude èl verre, i lèche èl table. Merde ah merde, i dit, d’avoir, i dit, ste femelle pareille. Vicieuse qu’i s’dépite, moule vicieuse, j’la déteste. Pourrie qu’est. Prune, j’la déteste, i dit, carcasse. La Vieille è se r’tourne de d’dans s’panier. Al ronfe bas, c’è une aut’ note. Jamais été, i rogne l’Ignoble, amouret d’cette filasse. I s’verse un zgond verre à bière, de d’gnole et i enverse y l’botteille. La gnole al coule de dsu la table sul pavasse. L’Ignoble, i lampe son verre, i lèche la table, i tombe à jnoux, i lèche y l’pavou. La gnole, al coule sul pied dla chaise, i lèche avec. Poubelle, i dit, jamais que j’lai amoue èste miche aparée dinze oune balle chemise èdnuit pour èmséduire, hein, gamelle, i dit, finance, hein, sale pute. Hein, i dit. Laide, i dit, l’était, bête qu’al savait pas cure èz haricots même. Dévergondée, puante, salope, j’te haisse. J’la tuerai, i murmure, l’Ignoble. J’te tuerai, merveille. Jusse qu’est bonne à boire mon flouze. J’la raysse, jama j’lai amoue, merde, djamamouille, i hurle à quat pattes sul pavonsse Ignoble.

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